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Bien-être

La colère est une émotion normale, comme la joie, la tristesse et l’anxiété. Bien qu’elle puisse être vue comme négative, la colère est importante, notamment parce qu’elle permet à la personne qui la ressent d’avoir de l’information sur une situation et qu’elle peut être source de motivation pour se défendre ou s’y adapter. Par exemple, elle peut indiquer à un enfant qu’il n’a pas été respecté ou considéré par un pair, ce qui peut le motiver à agir en conséquence. Donc, la colère peut l’amener à s’adapter aux défis environnementaux et relationnels de manière à se protéger. La colère peut toutefois devenir problématique lorsqu’elle est fréquente, qu’elle est présente bien que le contexte ne s’y prête pas (p. ex., l’enfant se sent souvent pris en défaut alors qu’objectivement ce n’est pas le cas), lorsqu’elle est difficile à gérer (p. ex., l’enfant adopte des comportements problématiques ou perturbateurs qui nuisent à ses relations sociales ou à son adaptation) et lorsqu’elle entraîne des conséquences importantes pour l’enfant ou sa famille (p. ex., sur la relation parent-enfant ou concernant ses amitiés). Notons que la colère peut également être un symptôme d’une autre émotion sous-jacente, comme l’anxiété ou la tristesse. Ainsi, deux étapes importantes dans l’apprentissage de la gestion de la colère sont d’aider l’enfant à mieux la reconnaître, ainsi qu’à identifier les situations qui peuvent le mettre en colère. 

Le présent billet porte principalement sur les interventions qui peuvent être effectuées lorsqu’on doit gérer la colère d’un enfant ou l’aider à mieux la gérer lui-même. Il va de soi que l’objectif de l’intervention avec l’enfant n’est jamais de nier ou d’enrayer la colère. Il vaut mieux la nommer et la normaliser, et être un modèle pour l’amener à la gérer plus efficacement. Par conséquent, une première étape est de tenter de comprendre le mieux possible la situation qui met l’enfant en colère. Par contre, rien ne sert de discuter si celui-ci est trop en colère (intensité de 5/10 et plus sur le thermomètre des émotions1) ou s’il adopte des comportements problématiques (p. ex., ne répond plus, dit des bêtises dirigées vers nous, brise ou tente de briser des objets sur le bureau, crie, etc.). Plusieurs stratégies peuvent alors être proposées à l’enfant pour l’aider à se calmer : la respiration diaphragmatique (gonfler le ventre comme un ballon et le dégonfler en respirant par le nez, la bouche fermée ; l’enfant peut se répéter une courte phrase qui l’apaise), la tortue (se coucher la tête entre les mains sur le bureau et respirer lentement), compter à rebours, bouger (p. ex., courir sur place, faire quelques jumpings jacks, etc.), frapper dans un oreiller, dessiner, etc. 

Si l’enfant refuse d’utiliser les stratégies proposées, il vaut mieux l’ignorer activement et lui laisser le temps de se calmer par lui-même, sans intervenir. En effet, le fait de discuter avec l’enfant qui est trop en colère risque fortement d’envenimer la situation, car nos paroles ou notre ton risquent d’être interprétés avec les « lunettes de la colère ». On peut alors indiquer à l’enfant qu’on discutera avec lui lorsqu’il sera plus calme et se tourner légèrement pour effectuer quelque chose à notre bureau, par exemple. Ainsi, on peut jeter un œil discret sur l’enfant, tout en ignorant ses comportements de colère problématiques. En résumé, il est correct de discuter avec un enfant qui est en colère et qui s’exprime adéquatement, mais lorsqu’on porte attention à un enfant qui agit de manière problématique, on renforce des comportements qu’on veut voir disparaître. C’est universel, l’attention donnée à l’enfant, qu’elle soit positive ou négative, fait augmenter la probabilité d’apparition du comportement. Il est donc très important de renforcer positivement (p. ex., en le félicitant, en lui tapant dans la main en lui disant ce qu’il fait de bien, etc.) les comportements adéquats qui permettent d’exprimer de la colère, l’utilisation des stratégies de gestion de la colère et le retour au calme. Il faut aussi se rappeler qu’il peut être relativement long de faire diminuer la colère, selon son intensité initiale (15 à 20 minutes ou plus chez certains enfants). Le but n’est pas de viser l’absence totale de colère, mais une diminution considérable qui fera en sorte qu’on pourra discuter pour tenter de régler la situation, si possible.

Lorsqu’on intervient avec un enfant qui manifeste de la colère et que celui-ci raconte la situation qui provoque cette émotion, il est essentiel de normaliser l’émotion ou la situation difficile (p. ex., « je comprends que tu sois en colère parce que… », « je comprends que tu n’as pas envie de réaliser cet exercice difficile »), et de ne pas critiquer l’émotion que suscite la situation (p. ex., ne pas dire « je ne comprends pas pourquoi tu es en colère », « tu es trop grand pour être en colère pour cela »). Il est également fort utile de déterminer quelle est sa (ses) pensée(s) dans la situation qui le met en colère. En effet, s’il n’est pas possible de contrôler l’émotion comme telle, la pensée peut être remise en question et modifiée si elle est erronée. Par exemple, si l’enfant croit qu’un autre enfant l’a accroché par exprès à l’école, il pourra être en colère, comparativement à s’il croit que c’était un geste accidentel. Ce n’est pas toujours évident de savoir qui a raison et qui a tort dans une situation, mais on peut parfois observer des pensées similaires qui reviennent souvent dans différentes circonstances (p. ex., de la méfiance, un sentiment fréquent d’échec ou de rejet, l’impression que les autres sont toujours sur son dos ou le font par exprès, etc.). Dans ces cas, le travail sur les pensées est également une intervention possible, notamment en discutant avec l’enfant des expériences antérieures qui confirment ou non ces pensées. Parfois, un travail plus poussé sur les pensées est nécessaire et il faut alors s’adresser à un professionnel compétent (p. ex., un psychologue ou un autre professionnel qui a sont permis de psychothérapeute).

Lorsqu’on travaille la gestion de la colère avec un enfant, on travaille aussi l’identification des signaux de colère pour la reconnaître, mais également pour apprendre à la voir venir plus efficacement (p. ex., cœur qui bat vite, visage rouge, dents ou poings serrés, boule dans le ventre, respiration plus rapide, etc.). Effectivement, le fait de sentir la colère monter en soi peut éviter des explosions, car on peut ainsi la gérer dès que les premiers signes se manifestent. Par contre, pour certains enfants (et pour certains adultes aussi !), ce n’est pas si évident et il faut faire plusieurs exercices pour y parvenir. Par conséquent, il est préférable d’intervenir rapidement avec un enfant qui semble se mettre en colère plutôt que d’attendre qu’il soit bel et bien ou trop en colère.   

Deux autres stratégies peuvent être pertinentes pour aider l’enfant à mieux gérer sa colère, soit la résolution de problèmes et de conflits, ainsi que l’affirmation de soi. En effet, ces stratégies peuvent permettre à l’enfant d’avoir un meilleur sentiment de compétence et de contrôle sur les situations qui peuvent le mettre en colère, ou encore, lui éviter les répercussions d’une affirmation maladroite. Ces interventions peuvent certes aller au-delà du mandat de certains professionnels qui doivent gérer la colère de l’enfant au passage, mais qui n’ont pas nécessairement le temps d’y travailler davantage. Le lecteur intéressé peut se documenter en consultant les livres et articles présentés ci-dessous.   

En somme, la gestion de la colère peut sembler simple, mais elle ne l’est pas toujours, surtout chez les enfants qui sont en apprentissage de la gestion émotionnelle et qui vivent plusieurs situations susceptibles de les mettre en colère au quotidien. Toutefois, il est très important d’outiller les enfants et de montrer l’exemple comme adulte afin d’encadrer efficacement les comportements colériques problématiques, et ce, même si l’enfant présente des difficultés ou des problèmes de santé mentale. En effet, on peut parfois être tenté de s’expliquer les comportements problématiques de colère par d’autres difficultés (p. ex., l’anxiété, la tristesse, l’impulsivité) et ainsi être moins encadrant. Or, l’enfant apprendra de cette façon qu’il peut crier, par exemple, et que c’est acceptable. Il ne faut pas oublier par ailleurs qu’un cadre ferme, mais chaleureux est très rassurant pour un enfant.

1 Le thermomètre des émotions est un outil visuel qui permet de quantifier le degré d’intensité émotionnelle vécue sur une échelle de 0 à 8 par exemple ; 0 étant pas du tout, 2 un peu, 4 moyennement, 6 beaucoup et 8 énormément. 

Autrice: Isabelle Denis

Références

Barkley, R.A. (2013). Taking charge of ADHD: The complete, Authoritative Guide for Parents, Third Edition. New York: NY, The Guilford Press.

Barkley, R.A., & Benton, C.M. (2013). Your defiant child: 8 steps to better behavior, Second Edition. New York: NY, The Guilford Press.

Couture, N., & Marcotte, G. (2018). Fantastique Moi calme sa colère. Les Éditions Midi-Trente. Québec.

Gagné, N. (2006) Ah! non, pas une crise…  Les crises de colère chez les 2 à 6 ans et même plus… Les Éditions La Presse. Québec. 

Massé, L., Verret, C., & Boudreau, F. (2012). Mieux gérer sa colère et sa frustration. Programme multi-propulsions. Volet enfants. Chenelière Éducation. Québec.

Nadeau, M. (2009). Les 40 jeux de relaxation pour les enfants de 5 à 12 ans. Les Éditions Québécor. Québec.

Verret, C., & Massé, L. (2017).  Gérer ses émotions et s’affirmer positivement. Programme multi-propulsions. Chenelière Éducation. Québec.

Crédit photo: Pixlr X - Timothy Eberly

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