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J'ai entendu dire que la méditation pleine conscience, c'était bon pour l'anxiété, la dépression et plein d'autres difficultés. Est-ce que ça peut m'aider?

Population visée
Adolescents
Adultes
Aînés
Problématique visée
Anxiété
Bien-être
Troubles de l’humeur

Par Émilie Binet, gagnante de l'édition 2021 du concours de vulgarisation scientifique

            Une technique qui semble avoir explosé en popularité dernièrement est la méditation en pleine conscience ou le mindfulness. Plusieurs personnes en vantent les effets, parfois avec des qualificatifs très forts, comme « ça a changé ma vie ». Vous en entendez parler par-ci par-là, et votre curiosité a été piquée suffisamment pour vous demander si cela pourrait vous aider, vous aussi. Ce texte vise à tenter de répondre à cette question d’un point de vue scientifique, nuancé et le plus objectif possible.

 

            Commençons par définir la méditation en pleine conscience. Qu’est-ce que c’est? Une chose est sûre, ce n’est pas « penser à rien » (petit secret, c’est plutôt impossible, notre cerveau est une machine à penser!). Il s’agit plutôt de changer sa façon d’être en relation avec ce qui se passe en nous, c’est-à-dire nos pensées, nos émotions et nos sensations physiques. La méditation vise à atteindre un état d’accueil, de non-jugement et d’observation curieuse de ces événements mentaux et physiques. Cette attitude s’oppose au jugement de l’expérience personnelle et aux interprétations négatives de ce que l’on vit (p.ex., se dire « ah non, mon cœur bat vraiment vite, ce n’est pas normal, il va m’arriver quelque chose de terrible, je vais mourir, c’est insupportable », ou se taper sur la tête après avoir fait une erreur ou obtenu une mauvaise note à un examen; « j’aurais dû le savoir, je ne suis pas bon.ne, c’est terrible »). Naturellement, notre attention est souvent portée vers le passé (p.ex., ressasser le passé, remises en doute; « j’aurais dû faire ça, pas dû dire ça, je m’en veux pour ça ») ou vers le futur (p.ex., inquiétudes et anticipation). La méditation vise à nous ramener au moment présent, utilisant le plus souvent un ancrage, comme la respiration ou les sensations physiques du corps (p.ex., porter attention au sol sous nos pieds). Contrairement à la croyance répandue, un état de détente et de relaxation ne se produit pas nécessairement toujours après la méditation. Le fait de se ramener au moment présent tout en accueillant notre expérience émotionnelle peut en fait augmenter notre conscience de ce qui se passe en nous, et ainsi faire remonter des émotions difficiles que nous nous empêchions de vivre. La méditation en pleine conscience peut donc constituer un premier pas vers une relation plus saine et honnête avec nos émotions.

            La méditation peut constituer une technique en soi (c.-à-d., utilisée seule) ou faire partie des composantes d’une psychothérapie prodiguée par un professionnel. Les recherches montrent que la thérapie basée sur la pleine conscience a une certaine efficacité (bien que de taille modeste), pour faire diminuer les symptômes anxieux et dépressifs. Des effets positifs ont aussi été notés pour l’utilisation régulière d’une application mobile de méditation en termes de diminution du stress, de l’anxiété et de la dépression, et d’augmentation du bien-être psychologique global. La pratique de la méditation a même été associée à une plus grande compassion envers soi et à une meilleure capacité à prendre des décisions. Néanmoins, il faut préciser que dans certains cas, les effets ne pourraient être significatifs qu’à court terme et disparaître lorsqu’on arrête de la pratiquer.

            Toutefois, il est important de souligner que des effets non-désirables ont déjà été rapportés pendant ou à la suite de la pratique de cette stratégie, mais ceux-ci sont rares et peuvent être passagers. Des exemples incluent une augmentation du stress, de l’anxiété, de la dépression, des fluctuations de l’humeur, une impression de déréalisation (impression que le monde autour de nous est flou, au ralenti ou comme dans un rêve), un retour de souvenirs traumatiques refoulés, un épisode psychotique et même, dans de rares cas, des comportements suicidaires. Ces effets indésirables sont le plus souvent liés à des antécédents psychologiques et les personnes atteintes de dépression sévère, de stress post-traumatique et de symptômes psychotiques pourraient être plus à risque de les vivre. Quoi qu’il en soit, toute personne qui reconnaît avoir une faible capacité à tolérer les émotions négatives ou des croyances ancrées que les émotions sont dangereuses ou insupportables devrait s’assurer d’avoir d’autres outils (et ressources) à sa disposition pour apaiser une éventuelle augmentation d’anxiété, par exemple. Nommons entre autres, des connaissances sur les émotions et leurs fonctions, les techniques de respiration calme, la tolérance à la détresse et les lignes d’écoute ou de crise. Dans ce contexte, il pourrait aussi être aidant de pratiquer pour la première fois la méditation en pleine conscience en compagnie d’un intervenant ou d’un proche de confiance.

            Donc, la réponse courte à la question serait oui, ça pourrait vous aider. La méditation en pleine conscience est susceptible d’être particulièrement utile pour les personnes qui ont tendance à avoir des pensées très orientées vers le passé ou le futur, à s’accrocher à leurs pensées négatives ou à éviter ou repousser leurs émotions, sensations ou pensées. Ces difficultés peuvent jouer un rôle dans plusieurs troubles de santé mentale. Mais il est important de ne pas entretenir l’attente que la méditation change votre vie ou règle tous vos problèmes (et toute annonce qui tenterait de vous vendre ce message devrait semer le doute). Apprendre à accueillir, étiqueter, vivre vos émotions sans les juger, c’est peut-être une clé pour vous, dans votre processus. C’est aussi possible que ce soit une clé parmi d’autres; et on ne connaît pas la grosseur de la clé ni quelle(s) porte(s) elle pourrait débarrer pour vous. La recherche montre que la méditation en pleine conscience est une stratégie parmi d’autres, qui peuvent être bénéfiques, voire essentielles à votre rétablissement, incluant :

  • La remise en question de croyances et pensées non réalistes ancrées, par rapport à soi, aux autres et au monde, des patrons de pensées et des façons de se parler non-aidantes (et une compréhension des origines de celles-ci);
  • L’exploration de comportements non-aidants, tels que l’évitement et l’isolement;
  • L’enseignement de stratégies pour ne plus se sentir envahi.e par les émotions, une meilleure compréhension des émotions et de leur fonction;
  • L’exploration de difficultés relationnelles, de difficultés à créer des liens avec les autres;
  • Une discussion sur comment créer une vie significative pour vous, en cohérence avec vos valeurs;
  • Un point de vue extérieur sur les difficultés, l’identification de divers obstacles, l’apprentissage de stratégies de résolution de problèmes;
  • Etc.

            Bref, c’est possible que le fait de ne pas être suffisamment connecté.e au moment présent, et la lutte contre les pensées/émotions/sensations ne soient pas au cœur de vos difficultés! Le psychologue est bien placé pour déterminer les composantes de traitement adaptées à votre situation. Cela dit, considérant l’accessibilité parfois difficile des services de soins psychologiques, surtout en temps de pandémie, c’est un outil qui a définitivement le potentiel d’être utile, une manière de faire de la place aux sentiments qui nous habitent en ces temps étranges.

Pour aller plus loin

Ressources utiles

Références

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Roemer, L., Erisman, S. M., & Orsillo, S. (2009). Mindfulness and acceptance-based treatments for anxiety disorders. Oxford handbook of anxiety and related disorders, 476-487.

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